Roland BARTHES
PETITE,
PETITE j'aimais me déguiser avec tout ce que m'offrait la mer. Des lambeaux de filets de pêcheur pour m'en faire une jupe de gitane, des jolis coquillages pour des colliers nacrés, une étoile de mer dans mes cheveux longs.
Je me trouvais alors la plus belle des gitanes et je fixai effrontement la mer, dans l'attente qu'elle me livre, celui que j'attendais.
PETITE je m'enivrai d'une rasade de Mimosa. Si fort, si troublant, j'en étais étourdie, obligée de fermer les yeux, de m'appuyer contre le tronc, pour garder l'équilibre.
PETITE, l'amandier de la cour, dans la villa en Corse, m'attirait, je ne résistais pas, mon petit frère à l'ombre au pied de l'arbre, cueillait les amandes fraîches et je les ouvrais.On les trempait alors dans du sel et on se roulait par terre, HUM!, que c'est bon, quel délice... Après ça on courait sur la plage, et toi, dopé par les amandes, tu donnais des coups de pelle énergiques, pour avancer la construction de ton château. Un autre délice, inoubliable, Un gateau "Fiadone" corse cuit sur une feuille de chataigner" , avec du brucchio, je vous défit de trouver meilleur goûter.
PETITE, j'aimais bien jouer au docteur, j'avais un petit frère assez docile pour m'obéir et c'était des partie de fous-
rires quand je le faisais tousser, crache je te dis, mais je n'ai rien à cracher. bon alors viens têter et après tu cracheras!
PETITE j'ai subi un premier bombardement, descendez à la cave, vite, un bruit terrible, je tremble, je pleure, je ne lâche pas la jupe de maman. Ce fut le seul bombardement, si terrifiant, dans cette cave peinte en crépi blanc, je m'en souviens encore...
PETITE , il m’arrivait parfois d’être un peu triste. Je m’allongeais alors sur le sable et je fixais le ciel. J’étais impressionnée de voir les nuages passer très vite, traverser des villages, des clochers. des champs. Et j’attendais alors que cette course s’arrête et emporte mon chagrin.
DANIDAR
3 Avril 2017