LE DEJEUNER DES SOEURS
Tout d’abord il y eu :
- le « Souper », excellent film d’Edouard Molinaro : 2 hommes soupent à huis clos, Talleyrand et Fouché
- Puis « Le Dîner de cons », réalisé par Francis Veber, pièce de théâtre et film, à grands succès.
Et plus récemment
- le Déjeuner des Sœurs....3 Sœurs plus une intruse, la nièce aînée qui, se prend pour une sœur, qui n’a pas l’âge des sœurs, forcément bien plus jeune, mais qui a les mêmes occupations que la sœur cadette, le même ordinateur Mac que la benjamine.
En activité, les sœurs se rencontraient assez régulièrement : « accompagne-moi, on va faire les
Soldes, tu me conseilleras ; ou bien faisons un tour, on m’a indiqué une bonne adresse, des objets incroyables, on mangera dans le coin. On ne recule devant rien, on en a écumé des adresses extraordinaires pour un résultat ......passons. Le soir on rentrait chez nous bredouilles, fatiguées mais heureuses d’avoir été distraites un moment.
A la retraite, c’est différent, des emplois du temps surbookés. Les 3 sœurs et la nièce ont « peur du vide », des activités captivantes, mêmes les appels téléphoniques se font rares.
L’aînée, la meilleure d’entre nous, est très dévouée ; elle garde ses arrières petits enfants le mercredi, rend visite à un malade à l’hôpital, participe à des après midi récréatifs dans une association, reçoit ses enfants à déjeuner. Et naturellement les consultations médicales ....
La cadette se découvre, à la retraite, un goût immodéré pour la Peinture, une envie impérative de peindre des grands tableaux. Elle s’exprime énormément et, cela va de soi, elle essaie de vendre ses oeuvres.
Je la préviens gentiment, « attention, ôte-toi de l’idée de peindre pour vendre, mais plutôt pour te faire plaisir ; je suis au regret de te dire, il y a très peu de chance pour que tu deviennes célèbre, pour que ton nom soit étalé sur les murs de la ville sauf, si un jeune hurluberlu, se promenant dans les rues, tombe en arrêt devant l’une de tes toiles et s’écrie « mais put.... que c’est beau, les lignes semblent porter l’espoir du monde, put... j’achète le tableau et la ville avant que la pluie ne délave ce chef d’œuvre, j’achète la ville et j’arrête l’eau ».
Mais la sœur cadette ne m’écoute pas, elle continue à peintre inlassablement, fait le tour des Galeries, part toujours pleine d’espoir et reviens souvent un peu tristounette. Pourtant, je vous l’assure, elle se débrouille fort bien, ses toiles ont un certain charme mais, le monde de la Peinture est cruel....
La Benjamine c’est moi. A la retraite, j’ai pris des cours de Sculpture (je me débrouille un peu) d’Encadrement, d’Aquarelle (j’adore mais je n’ai pas persévéré, Art qui ne supporte pas l’hésitation ou la surcharge).
J’ai participé à un Atelier d’écriture ; l’intelligence, la discrétion et les encouragements de l’écrivain qui a encadré ce stage m’ont beaucoup enrichi.
Après 12 ans d’une vie solitaire, dans la douleur, j’ai repris goût au travail grâce au MAC, mon bon ordinateur. Séduite par ses lignes sobres, la couleur et l’élégance de ses petits logiciels installés sur le Dock, tels des enfants espiègles, je me suis mise à écrire des Nouvelles, des Acrostiches, des poèmes etc... à commenter les tableaux des peintres de la famille, récits de voyages....et bien sur à correspondre avec des personnes charmantes, et chaleureuses.
Cette activité assez plaisante, occupe largement mon temps. Un mot, une idée deviennent sujets à rédaction.
Et pardessus tout, un bonheur inégalé, on ne peut imaginer la force de cet état de grâce, rien ne lui résiste et, lorsqu’il décide que je serais heureuse, il applique sa règle, un peu dure parfois, mais au final, je suis toujours gagnante.
Et la Nièce, dans tout ça, elle n’est pas inactive, bien au contraire. Elle visite ses enfants et petits enfants, assure la maintenance de son MAC et du mien et évidemment, le croyez-vous, elle peint aussi sans cesse, pas du tout de là même façon que la sœur cadette.
On pourrait dire une peinture autobiographique, entre le réel et le rêve, un amour de jeunesse mis en scène sur un fond bleu, des personnages bleus, des décors bleus....se prendrait-elle pour Picasso ? Non, pas du tout, il y a d’autres couleurs sur des tableaux différents.
La nièce est plus calme sur la vente de ses œuvres, elle poursuit un autre but mais accepterait volontiers un acheteur sympathique qui lui dirait : « chère Madame, il me semble vous connaître, pas mal, pas mal, vos tableaux, je vous en prends quelques uns..... »
Aujourd'hui, elle est inscrite à des cours de peinture « Trompe l’œil », niveau supérieur, on n’est jamais assez instruit.
Vous l’avez compris, les sœurs et la Nièce, sont très actives, elles n’arrêtent pas, toujours à l’affut d’une nouveauté, elles ont un cœur immense qu’elles partagent volontiers avec les gens qu’elles aiment.
Mais si, par malheur, la bêtise alliée à la méchanceté, traverse leur route, le temps de réaliser, de comprendre, et les sœurs, plus la nièce s’élèvent comme un rempart devant l’intrus,
pour protéger l’une, pour aider l’autre, pour consoler et dire « ne crains rien, on est là »
On est solidaires entre femmes de la famille !
Vous réalisez maintenant, pourquoi les sœurs ne se rencontrent que très rarement.
Alors ce déjeuner a été pour nous quatre des retrouvailles « comme au bon vieux temps », l’occasion de prendre des nouvelles des amis communs, de nos enfants.
Repas exotique, c’est la nièce qui mène la danse, explique la composition des plats, discute avec le cuisinier, provoque des fous-rires, et tout à coup, la conversation faiblit, Ciel ! La sœur cadette a observé les murs du restaurant et de nouveau elle se prend à rêver d’un accrochage de toiles au milieu des convives, de démarchage auprès des hôtels, des magasins ;
Pourtant, elle s’est rendue à l’évidence, les Galeries d’Art avalent un pourcentage conséquent du bénéfice de la vente.
Alors, on renonce à la raisonner, on comprend que la sœur cadette ne vit que dans l’attente de la célébrité.
J’en fais le serment, je ne dirai plus rien, c’est bête de rompre un si bel espoir. Ma sagesse en tous points m’a joué des tours, m’a gâché une bonne partie de ma vie ; et je comprends aujourd’hui, qu’il ne faut jamais renoncer au bonheur aussi inaccessible qu’il soit.
Allez sœurette ! Courage, un jour prochain viendra ou, assaillie par les acheteurs, tu nous appelleras en renfort et tu nous diras « venez vite, aidez-moi, SVP, vous aurez un pourcentage.... »
La nièce qui ne participait pas à ce déjeuner, forcément encore en activité, vous l’avez compris, peint également comme les femmes de la famille. En temps que « Critique d’Art » je dirai une peinture raffinée, recherchée, qui me touche beaucoup.
Aujourd'hui, je me pose la question,
ma fille sera-t-elle un jour attirée par cette frénésie picturale ?
J’aurais grand plaisir à faire paraître, sur mon journal, son éloge.
Danielle DARMON
Paris, le 21 mars 2011
Avec mes plus affectueuses pensées
Pour ma fille, mes sœurs, mes nièces.