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LE BLOG DE DANI D'ART
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25 juin 2011

LE MUR de mon DENTISTE !

Lundi dernier il faisait beau, l’air était léger,  j’avais rendez-vous chez mon Dentiste. Comme d’habitude, j’avais pris l’autobus 62, ce même transport utilisé pendant des années pour me rendre à mon bureau.

Toujours en  avance, j’ai horreur d’arriver en retard à un rendez vous, trop respectueuse du travail d’autrui.

Je vous l’affirme, rien, vraiment, rien ne laissait présager ce qui allait m’arriver ce jour-là.

 

S73F2512

 

 

Donc, en avance, Salle d’Attente et selon les consignes du Médecin, j’enfile des SUR chaussures en plastic bleu, pour éviter la propagation des microbes  puis je passe aux toilettes pour me laver soigneusement les mains ; et là, au-dessus du lavabo, je suis attirée par un beau carrelage. Je me recule un peu, pour apercevoir, sur le mur au-dessus, d’un brun marron glacé, une phrase inscrite en jolis caractères :

 

« ETANT DONNE UN MUR,

 QUE SE PASSE-T-IL DERRIERE ? »

Jean Tardieu

 


 

Photo-0005

 

J’en ai le souffle coupé, je tremble, instantanément, je suis hypnotisée.  Je l’ai souvent dit,  je suis une éponge à mots,  j’absorbe, et je restitue immédiatement,  si j’en ai  la possibilité, sinon les mots s’installent dans ma bibliothèque personnelle, pour un usage ultérieur, le tout inconsciemment.

En une minute, je deviens très nerveuse, je me pose mille questions, que signifie ce texte, pourquoi avoir gravé ces lettres... j’attends avec impatience mon tour pour obtenir du Dentiste son histoire, cette phrase,  que cache t-elle ? J’en ai bien une petite idée mais j’attends la vérité.

Enfin, c’est à moi et j’attaque d’emblée : « avant de me parler de mes dents, la phrase ....dans vos toilettes,  c’est étonnant.... une émotion très violente, expliquez-moi, SVP, votre aventure, l’histoire de votre mur.... d’accord vous avez des patients qui attentent derrière moi, je suis prête à laisser ma place.

Le Dr R. a du mal à retenir un rire étranglé, et moi je prends ce retard à parler,  pour un accord à me dévoiler un récit incroyable.

Il n’a pas le temps de dire que j’enchaîne  « et d’abord c’est qui ce Jean Tardieu, comment se fait-il.....jamais entendu parler ?

Je m’arrête enfin pour laisser parler mon Dentiste qui m’annonce :

 - Mais je n’en sais rien !

 - Comment rien, vous l’avez bien choisit pour quelque chose ? Qui est-ce Jean Tardieu ?

 - Je ne sais pas !!

 - Vous vous moquez de moi, comment,  vous êtes dans votre Cabinet et vous ignorez tout, ce n’est pas possible !!

 - Mais oui je suis dans mon Cabinet, mais je l’ai racheté à un autre Dentiste et c’est lui qui a décoré les toilettes (coup de grâce, je m’attendais à tout sauf à ça).

J’allais lui demander le n° de téléphone de son  prédécesseur, mais j’ai entendu un petit avertisseur dans ma tête STOP, ça suffit.... Alors, déçue, comme vous ne pouvez imaginer, je me suis effondrée sur le fauteuil et je me suis laissé faire, anesthésie, etc. .... L’échec était trop rude, si près du but avoir raté une explication pas banale, magnifique !

Je n’ai plus rien senti, mes dents sont devenues secondaires,  un coma littéraire, qui m’a permis d’entendre une radio qui jouait des airs connus et d’apercevoir mon Médecin, grand, mince, allure sportive, dans un Bal populaire dansant  un rock endiablé ! Je n’avais pas remarqué,  il portait une queue de cheval .....

 Voilà ! C’est fini pour aujourd’hui ;  donc, prochain RV lundi, même heure.

Je sais que la semaine prochaine, je glisserai dans mon sac, mon appareil de photos, sans demander la permission, en cachette, je prendrai quelques clichés pour comprendre pourquoi,  une simple phrase, certes pas ordinaire, peut déclencher en moi, un amour fou des mots, une histoire.....

Morosité, je rentre à la maison, le cœur gros, avec un sentiment de  « manque ». Mais, quand je suis interpellée d’une façon aussi pressante, je ne renonce jamais et j’échafaude des plans, façon  Sherlock Holmes, pour le prochain rendez-vous.

La journée se passe sans entrain, je ne me confie à personne, sait-on jamais !!

Et comme d’habitude, après diner,  je vais retrouver mon Mac et lui demander de l’aide :

Procédons par ordre, d’abord

 

Jean TARDIEU 1903-1995

(zut,  j’aurais pu le connaître, tellement plus simple d’aller à la source)

Ecrivain et poète français

Auteur dramatique.

 

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Ce n’est pas assez fourni pour moi, je continue mes recherches mais je m’éparpille et le lendemain je fais un saut à la  Médiathèque de mon quartier ; plusieurs livres, une bibliothécaire s’en mêle, consulte son Catalogue pour finir par trouver un  seul livre sur Jean Tardieu, mais qui n’est pas recensé dans le 15ème arr.

Devant mon amertume, « ne vous inquiétez pas,  je vous le fais rentrer, vous l’aurez dans deux jours, il est à la Réserve Centrale ; je vous contacte dès qu’il est ici !

Et elle ajoute, quand on fait des recherches, on commence petit et on progresse, ne vous découragez pas ! »  Et me voilà élevée au rang de Maître de Recherche en Littérature. Quelle promotion !

C’est mieux que rien et de nouveau le soir je travaille dans ma chambre ; mon écran est moins vif, un peu terne ; tout à coup j’entends un bruit inhabituel, je me retourne, le mur solide derrière moi se met à frissonner à la façon d’un étang sur lequel j’aurais lancé un gros caillou. La surface du mur irisée, se met à onduler pour laisser apparaître un couloir, qui m’invite soudain à avancer.

Un peu hésitante, je m’interroge, comment se fait-il, je ne me suis jamais aperçue que ma chambre communiquait avec un autre appartement ? Bizarre, aucun bruit !

J’avance, doucement, prudente, démarche souple et silencieuse d’un tigre, prêt à bondir sur sa proie. Tout au bout de ce couloir, des portes fermées. J’hésite un peu inquiète, qui peut bien habiter ici, ai-je le droit de pénétrer dans cette maison ?

Puis tranquillement, rassurée, je choisis une porte particulière, capitonnée. La main sur la poignée, j’ouvre doucement.

 

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Une pièce spacieuse, monumentale, des  baies vitrées jusqu’au plafond, sur trois côtés, laissent apparaître un paysage grandiose, la Mer somptueuse, qui s’étale  autour de la pièce et s’étend à perte de vue. Les vagues ne sont pas uniformes, des petites  comme un clapotis semblent jouer sur le sable avec les coquillages et tout à coup, venues du fond de l’horizon, des vagues en furie, immenses, dressées, qui arrivent au bord de la plage en traînant derrière elles une robe d’écume.

Une lumière à la fois douce  et scintillante, baigne l’ensemble du paysage étrange, venu d’ailleurs.

Derrière la vitre je regarde cette plage, je suis sans émotion, lisse ; un léger papillon pose délicatement un sourire sur mes lèvres, je suis le témoin impassible d’un  spectacle qui se joue devant moi.

Je me pose souvent,  beaucoup de questions, mais là tout me paraît normal.

La mer s’est calmée pour laisser passer une foule immense, bigarrée. Je suis étonnée,  je me trouve dans une drôle de situation, aucune ouverture dans la pièce, je ne peux sortir pour rejoindre ces spectateurs, mais je vois tout, j’entends tout.

Tout à coup, Ciel ! j’aperçois  une silhouette familière, je vois passer Jean Tardieu, au milieu de cet auditoire, tranquille ; il faut qu’il me voie, je saute, je lui fais des grands signes :

« Alors et votre mur, où est-il ? »

Il me montre, sous son bras, un morceau de Mur, découpé grossièrement.

Je m’inquiète  brusquement «  avez-vous pris soin de ne pas casser la phrase, vous l’avez entièrement,  j’espère ? »

« Oui, je l’ai découpé  chez votre Dentiste »,

« Oh! mais il va s’apercevoir de son absence, il va me soupçonner ? »

Mais non, aucun problème, me dit Jean Tardieu, j’ai l’habitude il ne verra rien. »

Rassurée, je suis folle de joie, Jean Tardieu et sa phrase m’ont enfin retrouvé !

 

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Par un simple geste de la main, les grandes baies vitrées s’effondrent très lentement et me libèrent. Je saute au cou de ce poète, si vous saviez toutes mes recherches....

Alors, l’auteur me suggère « vous avez tant aimé mon propos, voulez-vous  lire quelques vers ? »

Vous vous en doutez, je suis ravie de faire découvrir cet auteur, à cette foule, dans un décor naturel, celui de mon enfance ;


Jean Tardieu - Par Emilie Noulet

Poètes d’aujourd’hui – Ed.SEGHERS

 

Les « Jean Tardieu » sont multiples : Poète, Dramaturge, Prosateur.

 

« Deux personnes vraiment vivent en lui, l’une à peine réelle qui se meut et parle et qui porte son nom, l’autre, beaucoup plus réelle, mais à peine  entrevue, qui voudrait parler et ne peut que disparaître – toutes deux se cherchant, se quittant, se saluant... ce qui expliquerait le titre de son  recueil »:

 

MONSIEUR  MONSIEUR

 

C’est un livre triste.

A cause de son humour,

A cause de ses regards narquois.

Comme est triste la vérité. Et le persiflage de nos vaines ambitions.

 

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LE TOMBEAU de MONSIEUR MONSIEUR

(1954)

 

Dans un silence épais

Monsieur et Monsieur parlent

 

C’est comme si Personne

N’avait jamais été.

Aussitôt disparu

Qui vous dis que je fus ?

 

Monsieur répond Monsieur,

Plus loin que vous j’irai :

Aujourd’hui ou jamais

Je ne sais si j’étais.

Le temps marche si vite

Qu’au moment où je parle

Je ne suis déjà plus

Ce que j’étais avant.

Si je parle au passé

Ce n’est pas même assez

Il faudrait je le sens

L’indicatif néant.

_ C’est vrai répond Monsieur

Sur ce mode inconnu

Je conterai ma vie

Notre vie à tous deux :

A nous les souvenirs !

Nous ne sommes pas nés

Nous n’avons pas grandi

Nous n’avons pas rêvé

Nous n’avons pas dormi

Nous n’avons pas mangé

Nous n’avons pas aimé

Nous ne sommes personnes

Et rien n’est arrivé.

 

 

AMBIGUITE

Le mort qui est en moi

S’impatiente

Il tape avec sa canne

A bras raccourcis

Il voudrait qu’on le montre

Une dernière fois.

 

Quand au vivant

Ça va pas mal merci

Pour le moment        (1977)

 

(J’adore, J’adore)

  

 

RENGAINE à PLEURER

          (Résigné mais clairvoyant)

 

J’ai beaucoup appris

Et tout entendu

Je n’ai rien compris

Et rien entendu

 

J’avais entrepris

J’avais entendu

Je m’étais perdu

Je m’étais repris

Puis j’ai tout perdu.

 

Quand ils ont compris

Que j’étais perdu

Ils m’ont attendu

Ils m’ont entendu

Ils m’ont confondu

Puis ils m’ont tout pris

Puis ils m’ont pendu.

 

Puis m’ayant pendu

M’ont donné un prix

Un prix de vertu.

 

Alors,  j’ai compris :

Tout était perdu.

 

 

 

CONVERSATION

Sur le pas de la porte avec bonhomie)

 

Comment ça va sur la terre ?

_ Ça va, ça va, ça va bien.

Les petits chiens sont-ils prospères ?

_ Mon Dieu oui  merci bien.

Et les nuages ?

_ Ça flotte.

Et les volcans ?

_ Ça mijote

Et les fleuves ?

_ Ça s’écoule.

Et le temps ?

_ Ça se déroule.

Et votre âme ?

_ Elle est malade

Le printemps était trop vert

Elle a mangé trop de salade.

(J’ai retrouvé cette poésie avec émotion, apprise à l’Ecole Primaire) 

 

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Jean Tardieu me remercie, fait un signe à la foule. Avant de partir, il me dit,  as-tu compris ma phrase, Derrière le mur,  chacun y met un peu de soi, un espace,  une tranche de vie, un chagrin, une personne aimée.... Tu trouveras dans les carnets du Professeur Froeppel des explications.

 

Voici les explications : (Google)

  

Ouvres posthumes du Professeur Froeppel

 

Petits problèmes et travaux publics publics
 

 

L'ESPACE
Etant donné un mur, que se passe-t-il derrière ?

Quel est le plus long chemin d'un point à un autre ?

Etant donné deux points A et B, situés à égale distance l'un de l'autre  comment faire pour déplacer B, sans que  A s'en aperçoive ?

  

Jean Tardieu  est parti,  avec un morceau de son mur,  pour le mettre dans un ailleurs !!!

 

C’était un amoureux des mots.

 

 

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 Moi je reste, mélancolique, avec tout près de moi, une main dans la mienne, une voix douce qui me chuchote « Je resterai toujours près de toi.... »

 

 « A mon bras la douceur

à ta santé amour

le monde à ton image

à la vie à  la mort. »

 

 

 

 

REMERCIEMENTS

 

 Tout d’abord,  une pensée reconnaissante, a titre posthume, à Jean Tardieu.

 

 Ma  gratitude  à

Marie-Claire et Pierre 

pour avoir bien voulu partager généreusement, leur Chirurgien-Dentiste.


Et une mention particulière à ce Chirurgien-Dentiste : 

- J’ai volé six photos de votre Mur, enfermée dans les toilettes,

- ma grande émotivité  les a fait passer de mon téléphone mobile à mon appareil de photos, 

là j’ai eu peur !

 

- Pour ne pas avoir voulu me confier votre secret, j’ai fait d’innombrables recherches,

 

MAIS, c’est l’essentiel, je suis arrivée à mes fins, enfin presque !

  

A coup sur, je n’oublierai jamais 

Jean Tardieu 

Et son mur !

 

 

Pour en finir Docteur, vous ne refuserez pas, cette fois-ci, de me donner une dernière information :

 

pouvez-vous m’indiquer si vous faites  des statistiques concernant le nombre de personnes qui vous interrogent  sur la phrase de Jean Tardieu ? Merci infiniment.

 

 

 

Evidemment, je suis :  

Une éponge à mots, 

Une éponge à émotions, 

Une éponge à blessures,

 

J’ABSORBE !

 

Ceci expliquant cela.

 

 

 

Paris le 22 Juin 2011     

Danielle Darmon

 


 

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Un mur


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des murs

 

 

  

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Le mur que je préfère



 

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Commentaires
B
Des mots à la place des maux ......
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A
Quelle imaginations pour écrire tous ça :)
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C
Quelle imagination !!!<br /> Bisous
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V
Encore une fois tu nous étonnes! Ton récit est à la fois autobiographique et imaginaire, et c'est pour ça qu'on y croit car tu réussis à faire un savant mélange de réalité et de fiction.<br /> Cela m'a fait penser un peu au "Passe-muraille" de Marcel Aymé. Encore bravo, ton imagination ne connait pas de limite, tu ne t'ennuiras jamais!
Répondre
A
Danielle, c'est un véritable roman avec mystère, frissons, intrigue frisant le fantasique. On ne s'ennuie pas une seule seconde! Ton imagination est débordante et tu réussis à faire d'un petit rien, d'un mot, une magnifique histoire, sensible et poétique. Tu mèles le présent et l'au delà, la réalité et la fiction et tu nous fais entrer dans ton imaginaire.<br /> Belle crééativité!
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