LA TROISIEME FONTAINE
Chère amie,
Quelle bonne idée j’ai eu de vous téléphoner, plus rapide qu’un courrier, j’aime bien entendre la voix qui me donne la température du moral.
Je m’en doutais, les travaux continuent, vous m’expliquez le toit dont il faudra songer à resserrer les tuiles pour éviter, au vent glacé, de pénétrer dans la maison ; vous me parlez, bizarre, de portes coulissantes qui ne peuvent coulisser, les roulettes sur les rails sont devenues carrées….Habitez-vous dans un village extraordinaire ?
Curieux ? Ça s’arrangera me dites-vous, d’un ton amusé, j’attends une livraison prochaine de roues qui tournent rond.
Vous affichez un calme surprenant, chaque petite contrariété de construction, un mur qui penche vers vous, vous vous adossez en pensant que votre frêle silhouette suffira à le retenir…
Rarement vous prenez un peu de repos sur la pelouse, rêvant d’un mur bien droit, de plâtre qui s’étale, quand vous sentez une présence devant vous et là, vous ouvrez délicatement les yeux, paupières à demi pour laisser entrevoir, une biche magnifique et son petit faon délicieux. Mais ce n’est pas croyable, moi je serai morte de peur à courir sur l’autre bout du chemin tandis que vous, émerveillée vous glissez délicatement une main vers l’appareil de photos pour immortaliser l’instant.
Ainsi vous êtes aussi une travailleuse, une courageuse, une contemplative, les voisins à l’affut de vous sentir un instant tranquille, vous offrent généreusement des paniers de fruits : « vous m’en direz des nouvelles lorsque vous aurez comparé vos confitures à celles du supermarché, 30 % en moins de sucres… »
Cette dame a raison, pour avoir reçu, dans une maison de campagne, près de Strasbourg, ma première leçon de confitures « maison », j’ai aidé à tourner un moulin pour clarifier la pulpe du fruit. On sucre, on cuit, à la première ébullition, une charmante grand-mère me dit, vous voyez cette mousse c’est le meilleur de la confiture, on la donne aux enfants. Et le petit adolescent présent se régale, tout en jetant un regard intéressé au "Tour de France", graine de champion ?
Notre conversation se termine, alors, vous le savez bien, je reviens immanquablement au sujet qui me préoccupe depuis des années, je ne trouve pas de solutions d'apaisement si ce n’est d’abandonner le sujet.
Et tout à coup, vous baissez la voix pour me dire : les anciens me l’ont affirmé, dans notre village il y avait autrefois trois Fontaines ; aujourd’hui il n’en reste plus que deux, où est passé la troisième ? Danielle avec votre imagination, j’en suis sûre, vous allez la trouver !!!
Bien, chère amie, seulement pour vous plaire, j’ai arpenté le village en questionnant les habitants, je suis passée à la Mairie, j’ai été sur le marché ! On m’a indiqué un vieux sourcier qui m’a donné des indications précieuses et m’a enseigné l’art de fabriquer Ma Baguette. Et c’est seulement en rentrant chez moi, que j’ai compris : la troisième Fontaine est chez vous, dans votre jardin ou sous la cuisine. Chaque fois que je vous écris j’ai des tremblements dans les mains, les mots, les verbes qui parlent de vous se transforment en grosses gouttes d’eau, j’ai une flaque à mes pieds lorsque je pense à votre amitié du lion abandonné qui rugit, lorsqu’il réalise la présence d’une nappe phréatique près de vous. Alors je dois rapidement cesser toutes activités d’écriture, tous appels téléphoniques, pour vous dire cherchez maintenant, vous êtes vraiment tout près…Cherchez...
AH LA CLAIRE FONTAINE, M'EN ALLANT PROMENER
J’AI TROUVÉ L’EAU SI BELLE QUE JE M’Y SUIS BAIGNEE
Il y a longtemps que je t’aime, jamais je ne t’oublierai....
Pour le retour de la troisième Fontaine, je viendrai vous visiter, nous ferons une fête exemplaire, trétaux dans le jardin,
gâteaux, boissons, eau fraiche de la Fontaine...
Merci pour ce beau cadeau d'anniversaire,
il a poussé en une seule nuit!
(Champignon en Bourgogne)