L'ABSENCE
Je sors pour échapper à l’atmosphère un peu lourde de la maison, pour m'aérer, pour me distraire. Je marche lentement à la façon d’une personne qui avance sans but, pourtant je longe de belles vitrines sans les voir, sans envie ; j’ai l’impression d’avoir du plomb dans mes chaussures…
Ce pauvre téléphone dans ma poche finira par crier grâce, tant je le sors, je l’ouvre, je le triture… et subitement je décide de m’asseoir à cette terrasse de café si agréable, heureuse que notre table soit libre.
Il me semble que tu es assis en face de moi et le souvenir de tes confidences me laisse embarassée ; que te répondre, je reste évasive et je conclue, la voix bien assurée : je suis une femme émancipée, tu peux tout me dire. Toi qui n’attendais que ça, sirotant ton café chaud, tu m’expliques, voilà…au début…puis rapidement ton regard se voile, je ne suis pas à mon aise, être le témoin de ta peine m’est insupportable, je voudrais te consoler sans perdre de temps, pour effacer rapidement ton chagrin, les miens, j’en ai tant avalé, j’en connais le goût amer… ils passent un peu mieux, aujourd’hui, mais la déception est encore bien douloureuse.
Que suis-je pour toi, une amie, une confidente, « le Renard du Petit Prince qui t’enseigne la profondeur de l’amitié », je n’en sais rien, mais je comprends bien ton désarroi. Ma petite cuillère tourne dans ma tasse, et soudain tu disparais de mon paysage, je me retourne et j’ai froid subitement.
Je m’en souviens parfaitement, tu m’as dit au-revoir, je pars quelques jours, ne t’inquiète pas, ne me téléphone pas…
C’est quoi exactement cette phrase sibylline ?
Pour moi, vois-tu, ce n’est pas si simple, dès que tu t’absentes je ne peux plus écrire, ou j’écris lentement, mes phrases ont des difficultés à se former, à s’installer… tu réapparais et tout change, tu deviens mon Maître d'une littérature éphémère.
Te l’ai-je dit, avant toi, j’ai connu une Muse, au pouvoir surnaturel, un petit mot, une réflexion et l’écriture s’envolait, exprimait de beaux sentiments, qui me laissaient un peu perplexe, accaparait toutes les pages du Mac, bousculait l’enregistrement et m’obligeait à une rédaction rapide, bâclant le style.
Je le constate, vos absences prennent trop de place. Ton futur et mon passé n’arrivent pas à se retrouver ; je ne trouve plus ma Muse, travail trop intensif pour elle.
Si je te voyais à l’instant précis, te diriger vers ce café, je pourrai m’écrier quelle surprise !! C’est incroyable, j’ignorais le jour de ton retour, comment m’as-tu retrouvé? c’est génial, je vais enfin pouvoir travailler.
Tu répondras à coup sûr, mais tes habitudes n’ont plus de secrets pour moi.
Peut-être pensez vous que suis dépendante de ces deux personnages ? Ce n’est pas tout à fait le cas…
Si ma Muse s’absente, elle ne me laisse pas complétement seule, sans aucune émotion, même si j’ai déjà révélé sur le papier ses idées, des traces vivantes, un résidu de ses paroles m’habite, me parle. Ma Muse, loin de moi, se rapproche, instant magique, je la regarde et sa tendresse me mouille les yeux ; alors, libérée, la ronde des mots se déchaîne.
Dans la rue j’entends dire, c’est le PRINTEMPS aujourd’hui !
Comment ai-je pu l’oublier? La tête ailleurs remplie, de paysages d’hiver, je ne l’ai pas vu se faufiler dans les jardins.
Etonnée, je constate que les fleurs sont déjà sur les arbres, sur les parterres plantés avec goût, elles ont toutes revêtues leur robe aux couleurs fraiches.
Je suis troublée aujourd’hui par ces deux absences, j’ai l’habitude pourtant. Je n’ai qu’une idée en tête regagner ma Maison-Refuge, installée sur mon nuage. Je sens le spleen me gagner et derrière le gros chêne, je reprends mon échelle de soie, je l’installe et grimpe facilement là-haut.
Dans ma Maison en coton, sur mon grand cahier vert, j’écris une page de mon Journal, tous mes souhaits, du plus raisonnable au plus fou. Une main délicate a déposé un petit bouquet de primevères sur mon bureau, j’ai rangé dans une boîte capitonnée mes secrets, ceux qui me font réfléchir, ceux qui étirent mon regard pour voir au loin, si tu arrives, si elle est là, les secrets parfois si tristes et ceux porteurs de tant d’espoir, un peu trop…
Elle et toi, se pourrait être la solution pour un Bonheur particulier …
Voilà tout est copié sur le grand cahier et j’attends, avec une petite sérénité, de voir l’effet de la surprise que je vous ai réservé ; comment allez-vous réagir, à votre retour, lorsque je vous présenterai l'un à l'autre, pour la première fois ?
Et je souris, amusée, mon imagination visualise la scène, en avant-première !
Danielle DARMON
21 Mars 2014
Pour vous deux !
Avec toute mon affection